vendredi 14 octobre 2011

Le Bouddha de banlieue d'Hanif Kureishi

Critique du Bouddha de Banlieue d'Hanif Kureishi


Résumé : 
Quatrième de couverture : Un "Paki", c'est-à-dire un enfant de Pakistanais émigrés, qui se raconte dans Le Bouddha de banlieue, un roman satirique, provocateur et hilarant, qui décoiffe tout son monde. Un roman avec un "carré blanc"...
Mais qui n'en a pas moins été couronné par le Whitbread Prize et qui avait fait sortir de son silence Salman Rushdie : "Voilà exactement le roman que l'on pouvait espérer qu'Hanif Kureishi écrirait : sauvagement irrévérencieux et insolent mais fondamentalement émouvant et plein de vérité. Et vraiment très drôle." Nicole Zand, Le Monde, 1991.
Ce livre plein d'humour et de vie raconte la quête perpétuelle du jeune Karim à la recherche d'une identité. Sa mère est anglaise et son père immigré indien, leurs quotidiens stagnent dans les faubourgs de la banlieue sud de Londres jusqu'au jour où Haroon, le père de Karim décide de se mettre au yoga. S'ensuit alors pour le jeune homme toute une suite de bouleversements et de rencontres qui vont le conduire dans des lieux aussi divers que sur les planches d'un théâtre ou encore l'intérieur d'un squat libertaire. Le lecteur va ainsi rencontrer de nombreux personnages tels que Jamila figure d'extrême gauche révolutionnaire et féministe, Terry marxiste endurci, Charlie amoureux du succès ou encore Pyke le metteur en scène en vogue. Fort de son expérience personnelle, Karim va s'attacher à sonder les individualités tout en se construisant lui-même.


Mon avis :
Entre une mère vissée devant la télévision et un père fonctionnaire, Karim s'ennuie. Son quotidien est réglé par la misère de la banlieue londonienne. Cet univers crée un climat de dépression et le lecteur se sent happé dans un songe glauque presque malsain. Mais très vite, un changement vient bouleverser cette inertie lorsque Haroon, le père de Karim commence à pratiquer le yoga. Haroon tire profit de son indianité pour devenir une sorte de gourou de quartier. Il organise des soirées mystiques en compagnie de sa maîtresse Eva avec laquelle il redécouvre le sexe qui apparaît complètement différent de ce qu'il avait l'habitude de pratiquer avec Margaret sa femme, une anglaise coincée et taciturne.
Entre Haroon et Eva se développe une relation si intense que la famille de Karim se disloque. Ce dernier décide de partir avec son père s'installer à Londres laissant là-bas son frère Allie et sa mère. L'arrivée de Karim à Londres marque une étape importante de sa quête identitaire. Il se lie également davantage avec Charlie, le fils d'Eva, pour qui il a une forte attirance sexuelle. Ce n'est pas pour autant qu'il s'éloigne fondamentalement du cadre de son enfance puisqu'il reste en contact avec Jamila, la fille d'Anwar qui tient un petit commerce avec qui Haroon est venu d'Inde jusqu'en Angleterre. Cette jeune fille très cultivée et engagée politiquement se voit contrainte par son père d'épouser un homme de Bombay : Changez. Tout au long du livre, Karim est animé par le désir de "se trouver" et cette recherche passe d'abord par la rencontre avec l'autre.
Ainsi il va perpetuellement remettre en cause, consciemment ou non l'enfermement identitaire chez chacun des personnages. Le livre en lui-même s'attache à détruire sans ménagement tous ces processus de repli sur soi par exemple lorsque Terry, marxiste convaincu, se verra obligé par la fatalité du sort de jouer le rôle d'un policier : le sergent Monty. De même, Terry une immigrée black tombe dans une sorte de schizophrénie à force de se conformer à la culture anglaise et Jamila, farouche anticapitaliste se voit habilement reprocher par Changer de véhiculer les valeurs qu'elle dénonce. Par cette succession de déceptions identitaires, Hanif Kureishi pointe du doigt les fausses conceptions que l'on peut se faire de l'identité qui devrait non pas être une donnée fixe mais une vérité mouvante. D'ailleurs Karim s'il ne s'enferme pas lui-même dans les identités est parfois la victime de personnes comme Shadwell, un metteur en scène fasciste, qui le réduisent à une image vide d'indien fantasmé par les idées colonialistes. On peut voir dans l’œuvre d'Hanif Kureishi des thèmes récurrents comme le danger des traditionalismes, ici c'est le personnage d'Anwar qui représente ce travers humain et est souvent représenté dans une atmosphère terne et mortifère.
J'ai beaucoup apprécié le personnage de Changez qui est peut-être finalement le grand stratège du Bouddha de banlieue. En effet, Changez parvient systématiquement à ses fins sauf en ce qui concerne sa relation avec Jamila. Il ne travaille pas, il agit en véritable parasite s'incrustant là où on ne veut pas lui (peut-être même dans le roman?). Il n'a sa place nulle part mais s'en fait une partout pour finalement parvenir à déstabiliser Anwar. On peut voit Changez comme une sorte de double de Karim.
J'ai trouvé au roman une dimension carnavalesque intéressante. Il y a un échange des rôles, les personnages se trouvent systématiquement en porte-à-faux par rapport à ce qu'ils doivent être ou doivent faire. Par exemple Changez dément l'image de l'indien mystique et cultivé. Ici l'identité ethnique, sexuelle ou sociale n'est plus qu'un instrument qui permet de se rallier à la véritable identité commune à chaque être humain : le désir. Le fait que l'identité ethnique puisse être compatible avec la trajectoire sociale de l'individu dans une société multiraciale à dominante blanche est une apparence qu'Hanif Kureishi s'emploie méthodiquement à démonter. Pour résumer ma pensée sur l'ouvrage, je pourrais dire qu'il a certainement fallu la diversité d'un monde tout entier pour inspirer Le Bouddha de banlieue à son auteur... pour notre plus grand plaisir!

Du même auteur :
  • Black Album
  • La lune en plein jour
  • Le corps
  • Souvenirs et divagations
Vous aimerez peut-être aussi :
  • Un artiste du monde flottant de Kazuo Ishiguro
  • La Tache de Philip Roth
  • Les Enfants de Minuit de Salman Rushdie

4 commentaires:

  1. Ouh la la la, ne m'en veux pas, mais je ne crois pas que ce genre de livre m’intéressera ! ^^ Où en es-tu du "Livre des choses perdues" ?

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  2. Pourquoi ce livre ne t’intéresse pas? *Curieuse*
    Sinon Le Livre des choses perdues... Pas encore commencé. La rencontre est quand? Ah ouais fin octobre... What else?

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  3. Tu l'as pas encore commencé ?? OMG ! Bon, en même temps, il se lit facilement et vu que tu es une championne de la vitesse en lecture, je te fais confiance ^^
    Pour ta chronique, disons que le livre m'a l'air compliqué avec des messages vraiment trop compliqués ! Je ne pense pas que ce serait un plaisir et une évasion pour moi de le lire. Après, je peux toujours me tromper ^^

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  4. Moi je l'ai lu et il est super, 400 pages et je l'ai lu en une semaine ;) super bouquin et très intéressant !!

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